Boy Erased : l'enfer est pavé de bonnes intentions
- Romane Carlin
- 8 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 6 jours

Parce qu'il était homosexuel, Garrard Conley a subi une thérapie de conversion. En 2004, à l’âge de 17 ans, il a été inscrit par ses parents, avec son consentement, au programme d’une association baptiste évangéliste spécialisée dans la "rééducation" des gays, dans le sud de l’Amérique profonde, en Arkansas, pour tenter de le « guérir » de son homosexualité. Douze ans plus tard, après des années de souffrance et d’hésitations, Garrard Conley a raconté son expérience dans son livre autobiographique Boy Erased. Son récit a été porté au cinéma en 2019.
Une histoire tragiquement banale dans l’Amérique de ces années-là. Une histoire édifiante, aussi, parce qu’elle s’est bâtie, paradoxalement, sur l’amour et la bienveillance de ses parents, et même, dans une certaine mesure, celle de certains de ses « guérisseurs », par ailleurs extrêmement dangereux du point de vue psychologique.
« C’est pour ton bien »
Garrard n’a pas été rejeté, insulté, banni, maudit, « excommunié » par ses parents, pourtant croyants et pratiquants, au point que son père, entrepreneur prospère, a choisi de devenir pasteur de son église. Et c’est aussi pour éviter de blesser et porter préjudice à ces parents, aimants et d’abord malheureux pour leur fils, menacé de l’enfer éternel, et attentifs à sauver son âme, que Garrard a longtemps hésité avant de révéler son histoire. Avant de s’y résoudre, il a informé son père, qui lui répond, sachant que la révélation de ce fils homosexuel risque de lui faire perdre, à lui, son sacerdoce : « je veux que tu sois heureux. Vraiment ».
« Je veux que tu sois heureux » : variante de la formule que nous avons tous connu : « c’est pour ton bien ». Avec son corollaire de grandes et petites violences, d’interdits injustifiés, de renoncements imposés, de traumatismes qui enferment la vie dans un carcan de souffrances. Ce que l'on traduit par l'expression : l'enfer est pavé de bonnes intentions.
« C’est pour ton bien » : qui sait que mieux que nous-mêmes, ce qui est bon pour nous ? Qui mieux que nous, sait ce qui nous fait souffrir ? Mais le carcan social peut nous amener à douter de nous-mêmes. Et à remettre notre vie entre les mains de personnes qui ne savent rien de nous, mais veulent nous obliger à emprunter ce qu’ils considèrent comme le seul vrai chemin.
Ne pas subir le bonheur,
ne pas imposer le bonheur
Les thérapies de conversion ont été interdites, et en ce qui concerne l’histoire personnelle de Garrard, ses « guérisseurs », sentant le vent tourner, ont fait depuis leur mea culpa, qui ne trompe personne. Peu importe, ce qu’il faut retenir de ce témoignage tient en deux points.
Le premier, ne laissons à personne le soin de « ressentir » à notre place. Le deuxième, ne laissons personne faire notre bonheur malgré nous.
Et cela doit aussi être pris dans l’autre sens : nous ne devons pas prétendre savoir mieux que nos proches, nos enfants, notre entourage, ce qui leur convient. Et nous n’avons pas le droit de leur imposer une voie qu’ils n’ont pas choisi en toute connaissance et en accord avec eux-mêmes.
Cela vaut aussi pour les thérapeutes. Je ne dois jamais prétendre apprendre aux personnes qui elles sont : je dois les aider à le découvrir par elles-mêmes. Et je ne dois jamais leur imposer un chemin de vie : je dois les aider à découvrir lequel leur convient le mieux et les accompagner dans sa découverte.
Boy Erased, Garrard Conley, éditions Autrement, 2019.
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