Les criminels sont (parmi) nous : la barbarie ordinaire
- Romane Carlin
- 31 janv.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 févr.

Le psychiatre Daniel Zagury est l’un des plus éminents experts auprès des tribunaux dans le domaine de la psychiatrie légale. Il a été missionné pour évaluer des meurtriers (majeurs et mineurs), des infanticides, des terroristes, des victimes de gourous… Son livre La Barbarie des hommes ordinaires (*) apporte un éclairage puissant, dérangeant parfois mais édifiant sur la genèse de crimes à la fois exceptionnels par leur nature (crimes « passionnels », assassinat de nouveaux nés par leurs mères, attentats, emprises mortifères…) et néanmoins fréquents, ce qui en fait une barbarie ordinaire, et sur la personnalité de leurs auteurs, qui sont des hommes (et des femmes) ordinaires. Il répond à des questions que l’on se pose, lorsqu’on lit ou que l’on entend le compte-rendu de tels actes à la fois inimaginables et pourtant récurrents, commis par des personnes dont la vie ne pouvait laisser prévoir qu’ils pouvaient devenir des criminels.
Comment ?
Comment expliquer que l’on tue « par amour » ? Comment imaginer que des mères (les néonaticides) puissent nier leur grossesse jusque dans leur chair, puis tuer leur nourrisson dès sa naissance, le jeter à la poubelle ou au contraire le conserver au congélateur ? Comment comprendre que des personnes intelligentes, cultivées, parfois d’un haut niveau socio-professionnel, puissent tomber sous l’emprise de gourous ? Comment un gamin en vient-il à tuer pour un regard ou un smartphone ? Comment des individus à l’existence banale peuvent-ils soudain se radicaliser et tuer sans état d’âme ? Comment un homme ordinaire devient un génocidaire, l’assassin de tout un peuple ?
Pourquoi ?
Pourquoi est-ce que la justice et la psychiatrie, dans la majorité des cas, considèrent que ces criminels, ces monstres, ne sont pas fous, mais des « gens ordinaires » responsables de leurs actes et accessibles à une sanction ?
Par sa densité en termes d’informations et d’analyse et le trouble que l’on peut éprouver à l’évocation de certains faits qui y sont rapportés, cet ouvrage requiert une lecture attentive. Mais il apporte des explications claires sur les questionnements liés à l’incompréhension que l’on ressent face à ces drames, qu’il semble impossible d’associer à un comportement humain.
Plus largement, le livre de Daniel Zagury apporte un éclairage sur la nature humaine et peut nous amener à nous interroger sur nous-même, en évoquant certaines situations que l’on a pu vivre ou connaître, et prendre conscience que la frontière est parfois ténue, entre la maîtrise de soi et le saut dans le néant.
(*) La Barbarie des hommes ordinaires, Daniel Zagury (éditons de l’Observatoire/Humensis Pocket 2018)
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